Parfois, j’aimerais savoir moins de choses aujourd’hui qu’hier.
Ce n’est pas un vœu glorieux. Ce n’est pas noble. Mais il me traverse souvent. Surtout la nuit. Quand les nouvelles s’enchaînent sans répit. Quand les chiffres défilent. Quand la douleur du monde devient trop lourde à porter.
Parfois, je regarde l’état des choses et je me surprends à vouloir désapprendre. Oublier. Devenir imperméable.
La spiritualité peut être une lumière. Une force. Une boussole. Mais elle est aussi un fardeau. Parfois, j’aimerais ne pas être si connectée à l’invisible. Ne pas sentir l’épuisement collectif qui flotte dans l’air. Ne pas deviner les murs vers lesquels l’humanité court les yeux fermés.
L’empathie est sacrée. Oui. Mais elle épuise. Elle élargit les failles. Elle rend poreux à tout. La curiosité aussi. Elle pousse à comprendre quand l’ignorance aurait permis de se reposer.
J’aimerais ne pas aimer autant la géopolitique. Ne pas voir les ficelles. Ne pas deviner les logiques qui se répètent, les systèmes qui s’effondrent en silence sous des récits de progrès factices.
Et puis il y a l’intelligence artificielle. Outil fabuleux. Outil dangereux. Outil que j’utilise chaque jour. Qui me fait gagner du temps, de l’énergie, des idées. Mais je sais. Je sais ce que ça coûte. Les serveurs. L’énergie. L’impact invisible. On n’est pas si écologique qu’on veut bien se le raconter.
Parfois, j’aimerais être moins... présente. Moins lucide. Moins ici.
On dit que le savoir est un pouvoir. Oui, sans doute. Mais parfois (juste parfois) le savoir est une malédiction.
Car savoir, c’est porter.
Porter, c’est sentir.
Sentir, c’est souffrir un peu.
Et pourtant je suis là. Eveillée. Vivante. Un peu trop éveillée peut-être. Mais là quand même.
Demain, peut-être que je demanderai plus. Plus de clarté. Plus de vision. Mais aujourd’hui ?
Aujourd’hui je voudrais juste un peu d’ignorance. Un peu de paix dans le fait de ne pas savoir.