Cela fait trois ans que je n'avais pas écrit.
Trois ans que les mots me fuyaient, ou que c’est moi qui les fuyais. Trois ans que l’écriture, jadis mon refuge, mon feu sacré, m’était devenue étrangère.
Je ne savais pas comment dire ce que je vivais.
Je ne savais même pas si j'avais encore quelque chose à dire.
Tout était flou. Dense. Silencieux.
Je sentais que j’étais brisée, sans pouvoir nommer la faille.
Il n’ya pas eu de grand fracas. Pas de chute spectaculaire.
C’était une sorte d’effritement. Doux. Continu. Lent.
Comme si, chaque jour, un minuscule morceau de moi s’éloignait.
Et je regardais cela se produire, impuissante.
Je me suis sentie loin de tout. Loin de mes proches, de ma foi, de mes désirs.
Même ma spiritualité s’est tue.
Ce lien invisible et vital qui m’avait toujours soutenue s’était relâché.
Je ne voyais plus la lumière dans mes rituels. Je ne sentais plus la présence.
Je n'avais plus la force d'attendre un signe. Alors j’ai laissé tomber.
Ce que j’ai vécu pendant ces trois années, je ne pourrais le résumer qu’ainsi :
J’étais vivante, mais en veille.
Présente, mais absente.
Je me levais. Je travaillais. Je souriais parfois.
Mais l’essentiel… s’était mis sur pause.
Et puis un jour, la vie a tranché.
Elle m’a obligée à bouger. À sortir de cette torpeur.
J’ai dû quitter la Tunisie, terre de tempête intérieure, pour recommencer ailleurs.
La France.
Un déracinement. Un passage.
Mais comme souvent avec les mouvements forcés, quelque chose s’est ouvert.
Pas brusquement.
Pas comme une révélation.
Plutôt comme un frisson. Un murmure.
Une envie ténue, presque timide.
J’ai eu envie d’écrire.
Je n’étais pas encore guérie.
Mais j’ai su que j’étais en train de guérir.
Et cela m’a suffi.
Ce désir d’écriture, si fragile, si incertain, était ma boussole retrouvée.
Je n’avais pas encore les mots. Mais j’avais l’élan.
Et cela, je l’ai reconnu comme un cadeau. Un passage. Un souffle revenu.
Aujourd’hui encore, je ne me sens pas entièrement bien.
Mais je ne suis plus au même endroit.
Je suis au seuil d’une nouvelle page.
Et ce seuil, je choisis de l’habiter. Lentement. Consciencieusement.
Je suis en train de muer.
De laisser derrière moi des couches, des masques, des peurs.
De faire de la place pour ce que je deviens.
Écrire à nouveau, c’est faire alliance avec cette nouvelle version de moi-même.
C’est honorer le chemin, même flou.
C’est me dire que je n’ai pas besoin d’être entière pour créer.
Juste vivante. Présente. À l’écoute.
Alors voilà, je suis là. Je reviens.
Avec des mots simples. Un peu tremblants. Mais vrais.
Et toi, dis-moi…
Qu’es-tu en train de retrouver doucement ?
Qu’est-ce qui t’appelle à revenir à toi ?