Si on m’avait dit il y a un an, que quelques mois plus tard j’aurais publié un livre pour enfants, j’aurais bien ri au nez de cette personne. C’est en cela que j’aime la vie, elle est pleine de surprises et pour peu que l’on se laisse porter, ces surprises sont souvent à notre avantage.
Si je dois raconter la genèse de Kinlam et les animaux de la forêt, je dois remonter un an je crois, ou peut-être dois-je remonter plus loin que cela, dès la naissance d’Hugo et de Noam. Je leur ai toujours raconté des histoires. A leur âge, mon père m’en racontait beaucoup aussi, à l’heure du coucher. Ce rituel m’a profondément marqué et j’ai voulu, à mon tour, perpétuer cette tradition. En parallèle de cela, la naissance de mes enfants a renforcé mon attachement à mes racines. J’étais déjà passionnée par tout ce qui vient du continent Africain, ses peuples, leurs traditions, leurs histoires, leurs us et coutumes. Lorsque Hugo et Noam sont nés, ces sentiments se sont renforcés et j’ai voulu leur transmettre cela. C’est devenu comme une urgence, étant donné le fait que nous ne sommes pas résidents dans mon pays d’origine, et la manière dont nous vivons est très Occidentalisée. Peut-être ce sentiment est-il venu de la peur d’être oubliée, peur que les enfants oublient mon histoire, qui est aussi un peu de la leur. Dans tous les cas, leur transmettre cet héritage, ces valeurs, leur faire ce cadeau font partie intégrante de la manière dont Serge et moi envisageons et pratiquons notre parentalité. Cette transmission des cultures se fait notamment par les voyages (vous pouvez jeter un coup d’œil à notre blog voyage ici) et par les lectures. Bref, ça c’est le contexte.
C’est une scène plus précisément, l’année dernière, qui a provoqué l’envie d’écrire Kinlam et les animaux de la forêt pour mes enfants. Comme beaucoup d’enfants, mes garçons sont accros à l’univers Marvel et sa pléthore de supers héros. Superman, Batman, Spiderman et tutti quanti. En plein milieu d’un film mettant en scène l’un de ces super héros, Hugo s’est retourné vers moi et m’a demandé : « maman, n y’a-t-il pas de super-héros camerounais ? » Cette question, je l’ai reçue en plein cœur. Peut-être parce qu’elle me rappelait que j’avais encore beaucoup à faire dans mon travail de transmission de culture et de valeurs. Valeurs qui permettraient à mes enfants d’être sûrs d’eux-mêmes, d’avancer avec confiance dans un monde où il peut être compliqué de se trouver. Sur le moment, je n’ai pas eu de réponse claire et immédiate à cette question. Je leur ai dit « bien sûr qu’il en existe, on n’en fait tout simplement pas des films, comme celui que vous êtes en train de regarder. » Cette scène a eu pour effet deux choses : la première, c’est que j’ai immédiatement demandé aux enfants s’ils voulaient que l’on écrive une des histoires que je leur racontais le soir, histoire de créer nos propres super héros. Ils ont accepté la suggestion avec enthousiasme. L’autre effet de cette conversation, c’est que je me suis mise à chercher des livres pour enfants mettant en scène des héros, des enfants venant d’Afrique. Je savais qu’il en existait. Après tout, j’avais lu petite les grands classiques tel que Leuk le lièvre de Léopold Sédar Senghor, et je les avais lus aux enfants. Je cherchais cependant des histoires un peu plus modernes, plus proches du monde des enfants. De ces deux effets, j’ai mis le second en action tout de suite, et j’ai rangé le projet de livre dans un tiroir (pendant quelques mois).
Mes recherches de super héros africains m’ont ouvert les yeux sur un monde dont je n’avais pas vraiment idée. J’ai réalisé que d’autres familles, d’autres mamans avaient fait les mêmes constats, et comme moi avait décidé de prendre le taureau par les cornes, d’écrire des histoires pour leurs enfants, pour les miens, pour les nôtres. Des sujets tels la confiance en soi, l’estime de soi, sont des thèmes et des questions universelles pour lesquelles nous voulons tous donner des outils à nos enfants. Dans un monde où la différence est pointée du doigt, il est impératif (à mon sens) de rappeler à nos enfants ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous sépare, leur expliquer que quoi qu’il arrive, la lumière est toujours plus forte que l’ombre, que les différences doivent être vues comme des cadeaux et non comme des bagages.
Avec Kinlam et les animaux de la forêt, j’espère avoir répondu à la demande de mes fils. J’espère avoir créé un personnage, une héroïne à laquelle les enfants peuvent s’attacher. J’espère les avoir fait voyager à travers leur imagination, vers un lieu enchanté, magique, où leur âme d’enfant leur permet d’apprendre et de découvrir, de s’étonner et de s’émerveiller.