Trouver son pourquoi

J’ai traversé il y a quelques mois, une période tourmentée, au niveau business. Ces périodes de vague qui précèdent les moments d’illumination mais qu’on ne perçoit pas comme telles quand on est justement dans le creux de la vague.

Une phrase qu’on répète souvent aux entrepreneurs qui vivent ces moments de doutes et de questionnements, c’est de se souvenir de pourquoi ils font ce travail, pourquoi ils ont créé cette entreprise. En général, ce pourquoi est lié à l’impact qu’ils veulent avoir sur le monde. Un pourquoi relié aux autres.

Je te le dis, pendant ma période de déprime, mon Pourquoi ne m’a pas aidé. Je me sentais tellement dans de basses vibrations que l’idée que je faisais quelque chose pour quelqu’un d’autre ne me motivait pas. Comment vouloir aider quand soi-même on n’est pas bien ?

Il m’arrive de penser « Rien à faire des autres » quand je ne vais pas bien, vraiment ! De me dire que je vais aider quelqu’un d’autre à trouver la lumière quand moi-même je suis dans le noir ? la grosse blague !
On ne va pas se mentir, le chemin de l’entreprenariat est un vrai parcours initiatique, et parfois on se perd dans l’immensité des choses à accomplir et le danger d’oublier pourquoi on a commencé est bel et bien présent.

Pendant que je déprimais donc, je lisais “Mighty Be Our Powers: How Sisterhood, Prayer, and Sex Changed a Nation at War” de Leymah Gbowee*. L’auteur est Libérienne, Prix Nobel de la Paix en 2011. Ce livre m’est tombé dessus, alors que je pensais sincèrement tout arrêter. Il m’est tombé dessus lors d’un moment de faiblesse, quand je me suis demandé à quoi bon.

Leymah a dix-sept ans quand la guerre éclate au Libéria. Cette guerre qui va la détourner de son projet de jeune fille de devenir médecin. Cette guerre qui va détruire le Libéria et son tissu social, des familles entières seront décimées, des générations bousillées. Cette guerre qui va la pousser dans des relations toxiques et destructrices, à tomber dans des situations tellement dégradantes et déshumanisantes que pour en remonter, elle va puiser dans ce qui reste en elle de résilience pour d’abord s’en sortir elle, puis ses enfants, sa famille. C’est en cherchant le meilleur pour elle et ses enfants, qu’elle fédère des groupes de femmes qui vont influencer par la force de leur désespoir et ce qui leur reste d’humanité, les décideurs politiques à signer des accords de paix et à les respecter.

Du fond de mon lit, j’ai été bouleversée et émue par ce livre.
J’ai découvert à travers cette lecture, que ce n’est pas ce que je voulais apporter aux autres qui me faisait avancer. Parce que je ne suis pas leur sauveuse, et qu’ils ou elles peuvent s’aider à avancer eux-mêmes. J’ai compris qu’en tant qu’entrepreneure, c’était important que mon pourquoi soit d’abord personnel et centré sur moi et ce qui m’est proche, avant d’avoir une portée plus globale. Certes, j’ai un message à faire passer à travers toutes mes activités, mais c’est important de se définir un Pourquoi plus intime. C’est ce Pourquoi qui va vous faire vous lever le matin et continuer. Pourquoi vous créez une entreprise ? Pour aider les autres à… Certes, mais en quoi cette entreprise vous aide, vous la créatrice. Qu’est-ce qu’elle vous apporte humainement ? qu’est-ce qui vous fait avancer et ne pas lâcher, si ce n’est les autres? Vos enfants ? Votre famille ? En dehors de l’argent, comment votre entreprise va-t-elle vous aider à évoluer humainement et spirituellement ? Quand je me dis que « peu importe les autres, je ne veux plus me lever pour aider les autres, je veux juste être mieux, me lever pour moi », qu’est-ce qui me fait me lever pour moi ?

Tout le long de ma lecture, j’ai profondément ressenti les esprits de mes deux grands-mères. L’une est décédée, j’ai de la chance d’avoir l’autre en vie. Certaines scènes décrites m’on fait penser à ma grand-mère paternelle, qui m’a raconté certaines scènes de prison, lorsqu’elle s’est retrouvée enfermée avec mon père, alors qu’il venait de naître. La vie de mère célibataire de Leymah m’a fait penser à ma grand-mère maternelle, qui a perdu le père de ses enfants lorsqu’ils étaient en bas âge et qui s’est battue pour que ses enfants aient de quoi se nourrir chaque jour, puissent aller à l’école et avoir une vie d’adulte auto-suffisant, dans un monde qui était en train de changer rapidement. Mes grands-parents ont vécu la colonisation et tout ce qui allait avec. Mes parents également. Ils ont également connu les « indépendances », et tout le contexte socio-économique et culturel qui va avec. Ils ont vécu ces transformations et ces changements de leur monde sur quelques décennies, et se sont adaptés au mieux.

La grand-mère qui me reste a 93 ans environ. Elle s’est mariée vers 15 ans. Je considère sa vie, et celle de toutes les femmes de sa génération comme un témoignage historique, social et culturel qui n’a pas de prix. Elle n’a pas reçu d’éducation à l’occidentale, mais elle a fait ce choix pour ses enfants, c’était le choix à faire pour une vie meilleure (elle n’a pas eu vraiment le choix d’ailleurs). Mes deux parents ont fait des études supérieures à l’étranger. Entre les deux générations, un écart énorme s’est créé, témoin d’une société qui a dû se transformer et s’adapter à une vitesse grand V à de nouveaux défis. Mon frère et moi nous sommes encore plus éloignés des conditions de vie, de la manière de vivre, d’être et de penser de mes grands-parents. Un fossé nous sépare, et pourtant nous sommes UN.

Cette transmission des ancêtres , leur esprit de résilience et d’adaptation, je l’ai profondément ressenti à la lecture du livre de Leymah Gbowee. J’ai également compris que ma raison la plus intime de continuer d’avancer, ce sont non seulement mes enfants, mais également ceux qui sont passés avant nous et qui n’ont pas baissé les bras. Parce que le bond en avant effectué par deux générations, celle de mes grands-parents et celle de mes parents est énorme, je ne peux me dire « ma vie est trop compliquée, j’arrête. ». Je peux avoir mes moments de découragements, mais je ne peux me laisser subir ma vie, parce que ceux qui m’ont précédé m’ont offert ce cadeau immense, qui est de considérer que la vie que je mène est trop difficile.

Le fait que je reste enfermée chez moi à me dire « c’est trop dur », est un privilège et un cadeau que mes ancêtres m’ont transmis. J’ai le choix de laisser tomber, et ma vie va continuer, je vais maintenir mon style de vie et tout ira bien. J’ai également le choix de continuer à créer le monde et la vie que je veux, en acceptant que ça peut piquer parfois. Ce choix est un cadeau.
Après ma période de low vibes, j’ai donc quitté mon lit avec une autre perspective des choses.

Et vous, qu'est-ce qui vous fait avancer?
Much love,

Arlette